40 % des jeunes sans domicile fixe sortent de l'Aide Sociale à l'Enfance. Un chiffre révoltant, contre lequel des parlementaires se mobilisent, avec l'espoir que ces filles et ces garçons vulnérables puissent bénéficier d'un meilleur suivi.
Aujourd'hui, 341.000 enfants sont suivis par un éducateur chez leurs parents ou placés dans des familles d'accueil et des foyers, financés par les Conseils généraux depuis la loi du 6 janvier 1986. Et à 18 ans, beaucoup deviennent SDF. Car tous les départements ne signent pas les contrats jeunes majeurs (CJM) qui financent hébergements et formations accordés aux 18-21 ans pour éviter les "sorties sèches" de l'ASE et les préparer à l'autonomie.
Une loterie injuste pour ces jeunes vulnérables.
Les rendre obligatoires est le combat du collectif #LaRueA18ans, composé d'anciens enfants placés et initié par Lyes Louffok*, qui ne cesse de dénoncer les dysfonctionnements de l'ASE. Ils pensaient avoir remporté une première bataille grâce à une précédente proposition de loi portée par Brigitte Bourguignon (LREM) quand, le 7 mai dernier, c'est un autre dispositif, le contrat d'accès à l'autonomie, qui a été voté en première lecture dans un hémicycle déserté.
"On a été trahi, proteste Lyes Louffok*. C'est flou et discriminatoire car accessible seulement aux enfants ayant été pris en charge avant 16 ans et demi. Désormais, nous combattons ce texte et comptons sur les parlementaires mobilisés pour que les jeunes majeurs ne soient plus jetés à la rue."
Comme Sonia. "Ma mère schizo et violente nous élevait seule. Placée, j'ai fait sept foyers et cinq familles d'accueil. Quand elle a quitté Brest pour Marseille, obligée de la suivre, j'ai fui le foyer où c'était l'horreur. À la rue à 16 ans et demi, ça a été terminé. L'assistante sociale m'a dit : 'Avec ton parcours, tu n'auras jamais de Contrat jeune majeur.' J'ai volé pour ne pas mendier, des types te laissent dormir chez eux mais ils abusent de toi…"
Le recul du gouvernement serait-il lié à des raisons économiques ? "Clairement ! Dans la première version de la loi Bourguignon, les CMJ obligatoires étaient à la charge de l'État, explique Xavier Iacovelli. Cela concerne actuellement vingt mille enfants, la sixième puissance mondiale n'est pas capable de les gérer – hébergement, argent de poche, études – après avoir tant investi ?"
Outre les CJM, les sénateurs proposent la création d'un fichier national recensant les agréments des familles d'accueil, d'une assemblée consultative dans chaque département pour libérer la parole des enfants, le transfert des allocations familiales en cas de délaissement parental… "En un an, grâce à l'augmentation des signalements, trente mille mineurs de plus bénéficient d'une mesure de protection", rappelle Lyes Louffok.
S'il ne se fait plus d'illusion sur le monde politique, son combat, il le sait, a déjà gagné une bataille : la sensibilisation de la société civile à l'enfance en danger.
L'ASE EN CHIFFRES
341 000 : C'était, en 2017, le nombre d'enfants placés sous protection de l'ASE, la plupart à la suite d'une décision judiciaire. 52 % d'entre eux étaient hébergés en famille d'accueil ou en foyer.
40 % : C'est le pourcentage des SDF de moins de 25 ans qui viennent de l'ASE, alors qu'ils ne représentent que 2 à 3 % de la population française.
70 % : C'est le pourcentage des jeunes qui sortent de l'ASE sans diplôme.
32 : C'est le nombre de départements de France métropolitaine qui ont réduit voire mis fin à la signature de contrats jeunes majeurs entre 2016 et 2017.
9 milliards : C'est le budget annuel de la protection de l'enfance.
(*) Auteur de Dans l'enfer des foyers, éd. J'ai lu.
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Source : (Catherine DURAND)
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